L'éditorial : Nuances de verts

18/01/2022

1 min

Chers clients, chers amis,

Au-delà de mes vœux de récession des vagues épidémiques, je vous invite à saisir au bond la vague verte qui s’apparente à l’écologie, dans ses dimensions climatiques, mais également politiques, sans oublier son impact au sein de notre profession.

La pensée écologique date peut-être d’Aristote et trouve ses sources dans les grands voyages d’exploration de la Renaissance, mais en tant que science, le terme n’est inventé qu’en 1866 par le biologiste allemand Ernst Haeckel. Au-delà des bonnes intentions, l’écologie a aussi servi des desseins politiques et nourri les mouvements altermondialistes, prenant à certains égards le relais d’un marxisme-léninisme s’effondrant de toute part : « venu au vert par le rouge, parce que la gauche m’a déçu », pour citer Alain Lipietz1.

Dès les années 1970, l’homme est désigné colonisateur-responsable, et James Lovelock, climatologue anglais, publie la théorie controversée « Gaïa », du nom de la déesse de la mythologie grecque personnifiant notre planète : La « Terre-Mère » deviendrait sujet de droit et les êtres y vivant formeraient un superorganisme réalisant l’autorégulation des composants nécessaires à la vie.

Au-delà des premiers clivages, la « conscience écologique » touche maintenant tous les secteurs de la société, réunissant philosophes et scientifiques. Dans son ouvrage « Les sept écologies »2, Luc Ferry propose une cartographie utile des courants s’affrontant.

Le plus radical est celui des i. effondristes, qui arguent qu’il est trop tard pour s’alarmer, et qu’il faut se préparer à la catastrophe, qui échéant au plus tard en 2030, donnera naissance à un retour à des « bio-régions ». Viennent ensuite les ii. alarmistes réformistes qui se mobilisent pour limiter les atteintes à la biodiversité et maîtriser le réchauffement climatique : ce courant, dans l’esprit des COP3, ne s’oppose cependant ni à la croissance, ni à l’économie de marché. Nous trouvons ensuite iii. l’alarmisme révolutionnaire, tenance chez les partis Verts actuels, qui plaident pour la décroissance tous azimuts. Selon ceux-ci, il faut l’imposer, même au prix d’un recul démocratique. Jean-Marc Jancovici4, maître d’œuvre du « Shift Project », reste cependant favorable à une transition aidée par le nucléaire, tant les énergies renouvelables lui paraissent de fausses solutions.

Après avoir passé en revue des mouvements plus minoritaires, tels iv. l’écoféminisme qui suggère dès les années 1970 aux Etats-Unis un lien entre l’oppression des femmes et de la nature, v. les décoloniaux, nés en Amérique latine dès les années 1990 pour associer la crise écologique à la question coloniale, puis vi. les véganes qui lient la santé, l’environnement et la souffrance animale, l’auteur fait une large place à vii. l’écomodernisme favorable au découplage entre les activités humaines concentrées dans des zones urbaines et les grands espaces sauvages nécessaires à la sauvegarde de la biodiversité. Avec l’appui de l’économie circulaire, qui permettrait le recyclage complet de toute production, les plus optimistes envisagent la cohabitation d’une croissance infinie et d’un objectif de zéro pollution.

Au concert des visions politiques, s'ajoutent les initiatives visant à remodeler le capitalisme de l’intérieur. Larry Fink, CEO de BlackRock, qui fait figure de plus grand gestionnaire patrimonial du monde, se positionne en adepte de la trinité ESG (Environnement, Société et Gouvernance) : filtre d’investissement pouvant contribuer à la réalisation d’objectifs cruciaux sur le plan de la durabilité de notre planète. Ce dernier est aussitôt contredit par Tariq Fancy, furtivement (18 mois) responsable de l’investissement durable chez BlackRock, qui conclut que les désinvestissements nécessaires aux objectifs climatiques (vendre le secteur pétrolier) ne font qu’augmenter le coût du capital des mauvais contributeurs, sans réussir à les exclure, et que seule la mise au ban du produit lui-même serait vertueuse : il argue que les financiers s’achètent une bonne conscience à moindre coût et en appelle aux politiques et aux écotaxes.

C’est la porte ouverte à un vaste débat qui doit inclure la chasse à un « green washing »5 coupable, à la faveur d’une mesure plus fidèle de l’impact de nos décisions, tout en accommodant notre semble-t-il viscéral besoin de croissance, à moins que nous ne trouvions le moyen de le réprimer, comme suggéré par Sébastien Bohler6.

Auris Gestion a signé en fin d’année dernière les Principes pour l’Investissement Responsable – PRI – des Nations Unies, et se réjouit de mettre en œuvre ses propres convictions, à travers des partenariats enrichissant son propre processus, une gamme de fonds progressivement revisitée à l’aune de cette exigence, ainsi qu’une offre disponible en multigestion, gardant à l’esprit la sensibilité et les objectifs de chacun.

1 Vert espérance, éd. La Découverte, 1993
2 ed. de l’Observatoire, 2021
3 « Conference of the parties », Etats membres des sommets consacrés à l’écologie
4 Ingénieur français engagé dans la lutte contre le réchauffement climatique, membre depuis 2018 du Haut Conseil pour le Climat
5 Ecoblanchiment, ou Verdissage, définissant une stratégie de communication visant à prétendre que l’entreprise a une politique écoresponsable
6 Le bug humain, par Sébastien Bohler : pourquoi notre cerveau nous pousse à détruire la planète et comment l’en empêcher, ed. Robert Laffont, 2019.

Nicolas Walther

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