La lettre de la Gestion Privée Septembre 2021

30/09/2021

1 min

Chers clients, chers amis,

La CIA a publié cet été son rapport sur « Le monde en 2040 » (1) . Tous les quatre ans le Conseil National du Renseignement américain produit une analyse prospective passionnante à un horizon de 20 ans, dont l’intérêt dépasse le cénacle des spécialistes.

Un tel ouvrage, même biaisé par un tropisme américain, a le mérite de poser de bonnes questions et de partager publiquement des données essentielles. Il fut très attendu pour éclairer le « monde d’après » la sortie de crise sanitaire aux effets incertains, qu’il s’agisse de la reconfiguration des chaines traditionnelles d’approvisionnement, des anticipations d’inflation, des resserrements des politiques monétaires, sans compter la gestion des excès du secteur immobilier chinois (affaire « Evergrande »), ou des atermoiements liés à la ratification du budget américain.

Parmi les forces structurelles à l’œuvre, le rapport de la CIA identifie la démographie – vieillissement des pays développés, croissance soutenue de l’Afrique subsaharienne et de l’Asie du Sud, urbanisation et mouvements migratoires – l’environnement - dégradation des conditions climatiques et risques liés aux approvisionnements en eau, nourritures et énergies, et intensification des discordes quant aux politiques de remédiation à adopter – l’économie – augmentation des dettes souveraines, perturbation du marché de l’emploi, renforcement de l’essor des entreprises les plus puissantes, défis du maintien de la productivité et d’une inclinaison continue vers l’Asie – la technologie – en réponse positive aux défis climatiques et sanitaires de l’humanité, avec comme corollaire les tensions liées à la conquête de la suprématie technologique, notamment entre la Chine et les Etats-Unis.

Le rapport propose ensuite 5 scénarii plus ou moins rassurants :

  • Renaissance des démocraties : les avancées technologiques favorisent l’émergence de partenariats public-privé, la réduction des inégalités et l’amélioration des conditions de vie de millions de personnes favorables à un regain de démocratie, sous la conduite des Etats-Unis.
  • Un monde à la dérive : le système international devient chaotique, les règles ne sont plus suivies par de grandes puissances comme la Chine, en même temps que les pays issus de l’OCDE subissent un ralentissement économique. La Chine domine le monde asiatique, sans pour autant disposer de moyens suffisants pour relever seule les défis mondiaux liés au climat et au développement.
  • Coexistence compétitive : les Etats-Unis et la Chine donnent la priorité à la croissance économique et rétablissent une relation commerciale apaisée, mais pour autant la concurrence pour l’influence politique, la domination technologique et l’avantage stratégique demeure. La coopération internationale reste possible, mais les défis planétaires à plus long terme, notamment écologiques, ne sont pas traités.
  • Des silos séparés : le monde est fragmenté en blocs économiques séparés (Etats-Unis, Chine, Union Européenne, Russie et autres puissances régionales), visant l’autosuffisance, la résilience et la défense. Les chaines d’approvisionnement sont réorientées et le commerce mondial réduit. Les pays en développement sont pris entre deux feux et les problématiques mondiales sont négligées.
  • Tragédie et mobilisation : Une coalition mondiale dirigée par l’Union Européenne et la Chine travaille, en symbiose avec des institutions multilatérales revitalisées, à la recherche de solutions pour lutter contre l’épuisement des ressources. L’entraide des pays les plus riches en faveur des plus pauvres se met en place à travers des programmes d’aide et de transferts de technologies.

Les récents évènements survenus dans la foulée de la publication de ce rapport - retrait précipité d’Afghanistan et alliance « AUKUS » - constituent sans doute un épisode essentiel de la fragilité des relations de confiance au sein du monde occidental, ramenant à nos mémoires la réaffirmation de la suprématie des Etats-Unis lors de la crise de Suez de 1956, ou encore le malaise créé par le « non » de Jacques Chirac à la guerre d’Irak en 2003.

Le sous-titre du document de la CIA « un monde plus contesté » est un appel à l’humilité face à la difficulté de décrypter un univers devenu plus multilatéral.

Les manières « contestables » des Etats-Unis, pourtant soutenus par Lafayette au 18ème siècle pour conquérir leur indépendance face aux anglais, seront-elles quant au fond, porteuses d’un meilleur équilibre, après le pivot des Etats-Unis hors du Moyen Orient et vers l’Asie pour contrer l’hégémonie chinoise ? Ou est-ce une répétition du « piège de Thucydide » (2) ?

Les scénarii imaginés par la CIA offrent des pistes de réflexion à nos dirigeants, avec l’espoir que les pulsions autocratiques ou les influences nationalistes ne prennent le dessus en faveur des plus clivants.

  1. Editions des Equateurs 2021, https://dni.gov/
  2. Choix que fait une puissance dominante de rentrer en guerre pour contrer une puissance émergente, tel que décrit par l’historien Thucydide se référant à l’attaque d’Athènes par les Spartiates.

Nicolas Walther

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